Ben voyons (Du limogeage arbitraire et élégant dans le choix de la date en République Française)
Jeudi 2 juillet 2015...

Pour comprendre ce processus d’une rare élégance, qui consiste à limoger sans motif un directeur de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris quelques jours après le départ en vacances des étudiant(e)s et des professeur(e)s, il faut remonter au 1er juillet 2015, la veille donc... quand une brève du Canard Enchaîné nous apprend que "Nicolas Bourriaud devrait être convoqué très prochainement par la ministre de la culture Fleur Pellerin, pour se voir signifier son départ..."
Récit complet et première compilation de quelques interrogations légitimes posées dans la presse ici sur Le Beau Vice
Et le très étonnant communiqué de presse du ministère de la Culture et de la Communication
... fort bien recadré par l’article de Claire Moulène dans Les Inrocks
et l’opposition à la dimension scandaleuse, inique et irresponsable de la décision développée dans le communiqué de l’association nationale des écoles supérieures d’art (ANdÉA)
Deux jours plus tard, et après l’absence totale de justifications et surtout de contenu émanant du Ministère de la culture, visiblement peu informé de ce dont il parle, quelques mises au point de l’homme scandaleusement remercié dans l’interview de Télérama
La lettre de Stéphanie Moisdon à la Ministre de la Culture et de la Communication le 5 juillet, suivie de celles des artistes Daniel Buren, Pierre Huyghe, Dominique Gonzalez-Foerster, Xavier Veilhan, et Gérard Fromanger.
Dans une tribune envoyée au Quotidien de l’art et aux Inrocks, Emmanuel Tibloux directeur de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Lyon et président de l’ANdEA (Association nationale des écoles supérieures d’art) réagit à l’éviction du directeur des Beaux-Arts de Paris.
Autour de l’affaire de l’éviction, deux ou trois choses qui me, nous, rendent très en colère par Élisabeth Lebovici.
Lundi 6 juillet, la conférence de presse de Nicolas Bourriaud, digne, sans envolées, basée sur des faits, des actes et des points précis... des faits, des actes et des points précis qui tranchent avec la désinvolture et l’ignorance qui ont présidé à la décision que l’on sait.
Une intervention dédiée "à deux personnalités qui sont également dans la difficulté aujourd’hui : Bernard Sobel et Yves Aupetitallot."
Mardi 7 juillet, dans le Figaro, Fleur Pellerin justifie le limogeage du directeur de l’École des Beaux-Arts
Accusations auxquelles Nicolas Bourriaud répond dans une lettre ouverte
Alors que dans le même temps et sur un tout autre plan (international déjà :) Lorenzo Fiaschi et Galleria Continua interpellent Fleur Pellerin
Et Judicaël Lavrador de préciser dans Libération : "ce que dit son renvoi et suscite l’indignation de ses partisans, c’est [...] d’abord [...] le refus d’une certaine vision de l’art..."
à 20 heures, le site du Ministère de la Culture et de la Communication lance la Procédure de recrutement d’un nouveau directeur /d’une nouvelle directrice à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts
Mercredi 8 juillet...
Un article du Monde qui, en insistant sur \"le jeu des chaises musicales\" \"qui défraye la chronique et fait frémir d’un effroi gourmand les réseaux sociaux\" prend tellement de distance avec ce qui fait le fond d’un engagement en tant que directeur ou directrice d’une école d’art d’envergure internationale, passe sous silence le mépris de ce même fond au profit d’éléments de faux débats et surtout de débats de très mauvaise foi tels que "la fronde" qu’avait dû affronter Nicolas Bourriaud en 2013 au sujet de "la privatisation de certains locaux pour la tenue d’un événement Ralph Lauren" (en ne rappelant évidemment pas que l’État demande désormais à "ses" institutions de chercher de l’argent qu’elle ne peut plus (ou ne veut plus) leur donner ! Et ce d’autant plus qu’en 2014 la Cour des comptes avait pointé du doigt la mauvaise gestion de l’École des Beaux-Arts de Paris entre 2001 et 2011, soit juste avant l’arrivée de Nicolas Bourriaud !)... Mauvaise foi également de rappeler la soit-disant "absence de présence" que la ministre reproche au directeur alors qu’on lui demande de multiplier les partenariats, les ponts avec d’autres institutions ou écoles en France et à l’étranger. Tout cela doit évidemment se faire le cul vissé à sa chaise de direction en envoyant des emails dans le monde entier... Bref, tout ça ne parle pas beaucoup d’art et de culture, encore moins de ce qui constitue un enjeu sur le plan artistique aujourd’hui.
Le Comité Professionnel des galeries d’art s’exprime sur le remplacement de Nicolas Bourriaud à la direction de l’Ensba en particulier et en général sur la France, qui "semble tout faire pour se défaire de ses élites qui nous sont enviées à l’étranger".
Lundi 13 juillet...

Colère, tristesse et dépit... En quoi Nicolas Bourriaud a-t-il failli dans sa mission en tant que directeur, alors qu’il commençait seulement à pouvoir mettre en place son projet ? Pourquoi sans cesse revenir à la "fronde" à laquelle il a dû faire face lors de l’invitation faite à Ralph Lauren sans chercher à savoir vraiment pour quelles véritables raisons il y a eu fronde et surtout de quoi cette fronde était-elle le nom, quels en étaient les protagonistes ? Et aussi pourquoi ne jamais prendre la peine de dire que l’État se désengageant progressivement, celui-ci demande à ses institutions de chercher de l’argent dans le privé, et que l’école manquait cruellement d’argent (voir l’audit de la cour des comptes concernant les exercices 2001 - 2011), soit avant l’arrivée de Nicolas Bourriaud. Enfin, pourquoi Éric de Chassey n’a-t-il jamais démenti ce qu’avançait le Canard Enchaîné ?... Colère, tristesse et dépit, doublé d’un profond sentiment d’injustice. Et du coup, qui osera se porter candidat(e) après cette éviction dont on attend toujours les raisons (argumentées) ? N’est-ce pas également le processus de modernisation de l’ENSBA que l’on a arrếté ce 2 juillet ?
Lundi 20 juillet...
En page 3 de L’Humanité, dans un article sobrement intitulé Le désengagement de l’État, Magali Jauffret montre en quoi "l’éviction de son directeur met en lumière l’irresponsabilité
du ministère de la Culture, qui menace les écoles d’art" et de conclure après avoir passé en revue les raisons avouables ou non avouables de son limogeage, revient à nouveau sur "le défilé Ralph Lauren" et festival de galeristes" (qui au passage est une critique avancée par certain(e)s, mais pas par le Ministère), en précisant (enfin) que "c’est une question de dosage." Et de conclure : "Jusqu’où peut aller la colonisation du luxe, lorsque le budget de l’école se retrouve amputé en 2012, de 800 000 euros. Le problème est là, dans le désengagement de l’État, du ministère, qui n’est plus en état de subvenir aux besoins, d’exercer sa tutelle, son contrôle, qui n’a donc plus légitimité à nommer et à limoger..."
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